La nostalgie se fait douce, de la même manière que cette brise qui caresse son visage pensif. Une douceur qui réchauffe son être, comme le fait cette fumée blanche qui est expulsée de ses lèvres, formant ce léger nuage toxique qui s’envole, ondulant sur les courants venteux. Alféa. Un nom plein de souvenir, un lieu apaisant et en même temps, c’est ici qu’il a fait les quatre cents coups. Il se revoit là, quelques années auparavant, en train d’arpenter ces lieux, de courir dans la nuit pour échapper aux brimades en compagnie de sa fine équipe de casse-cou. Le corps contre l’arbre, le regard apaisé perdu dans les abysses de ces doux souvenirs. Il en serait presque capable d’entendre encore le rire qui émane de ses lèvres et de celles de ses camarades, survoler par les cris des surveillants. Aujourd’hui encore, il se prendrait sans doute une soufflottante par ses anciens professeurs s’ils le voyaient là en train de s’empoisonner avec cette drogue, bien qu’il ne s’agisse que d’un simple tube de nicotine qui se consume par le bout embrasé. L’étudiant modèle qui s’est laissé entraîner par les frasques de ses camarades, alors que la vérité est toute autre. C’est qu’il chérit cette image de garçon innocent, c’est la preuve qu’il ne s’est jamais fait prendre, la main dans le sac comme on dit.

Les mains griffonnent sur le papier, armées d’un crayon. L’artiste meurtri qui capture l’essence de cette scène d’entraînement. Rictus amusé, la cigarette tenue par ses lèvres closent l’aide à étouffer ce rire, qui ne se veut pas moqueur, enfin sans doute un peu. C’est qu'Ulstead junior, ressemble à son frère dans certains de ses gestes, de ses appuis. La seule chose qui les différencie ? La longueur de leurs cheveux, et leur sexe. Ironiquement, son croquis ressemble davantage à une caricature du frère et de la sœur. Voilà la cause de ce rire sourd, qui manque de l’étouffer avec la fumée prisonnière de ses lèvres. L’image de Riven habillé d’une poitrine, et celle de Heava dans le corps de son frère est pour le moins, moqueuse. Mais ce n’est pas ce croquis qui comble son âme artistique, mais bien celui présent sur la page précédente, qui illustre parfaitement la jeune Ulstead dans son entraînement, lui donnant l’image d’une guerrière livrant une bataille épique.

Le carnet se ferme dans un bruit étouffé par le vent, et les divers grognements provenant des apprentis spécialistes. La barre de nicotine terminée, le crayon qui glisse dans les spirales du carnet de manière à toujours être à sa place. Pas de velours, il s’immisce sur le terrain pour venir s’amuser à déséquilibrer la jeune Ulstead, qui se livre à une gestuelle pour le moins incompréhensible, un peu comme un danseur ivre. Ce qui ne manque pas d’amuser celui aux multiples casquettes. « Hello my Lady. J’suis curieux c’est quel genre de danse ça ? » Souffle-t-il moqueur en imitant la manière dont son corps à gesticuler, en exagérant la chose, allant même jusqu’à imiter son expression faciale face à la sensation de chute. « Ah mais j’sais ! C’est le style Ulstead !! Ton frère fait la même chose après deux verres. » Rajoute le corbeau avec son sourire réconfortant.

La main qui aide l’étudiante à se relever, il vient appuyer sur son front avec son index une fois debout, accompagné par une légère pichenette sur l’oreille. « Tes appuis sont trop raide petite guerrière. On dirait ton ours de frère, sauf que t’as pas sa carrure, sois plus souple et détendue. » Est-ce qu’il omet ouvertement de justifier sa présence à Alféa ? Sans doute, enfin, ce n’est pas un sujet secret, c’est simplement qu’elle n’a rien de bien croustillante, et puis il n'a pas à se justifier auprès de la petite chasseuse. La veste dans un coin, une tenue loin d’être adapté pour l’entraînement, mais il en s’en moque, c’est qu’il estime qu’il n’existe aucune tenue particulière pour s’entraîner. Le danger peut tomber lorsqu’on est nu, lorsqu’on est en tutu ou en kilt, il n’attend pas qu’on s’équipe, et puis un jean c'est un pantalon des plus classique après tout. Signe de main provocateur, accompagné de ce sourire et de ces paroles, comme pour rajouter de la confiture sur la tartine. « Viens, p’tite guerrière, j’vais te montrer comment étaler ton Grizzli de frère. Un gentil Ulstead, est un Ulstead par terre. » Timbre de voix provocateur, ce léger clin d’œil, comme s’il cherchait à piquer sa petite guerrière.  

Le réveil sonne et ma tête cogne encore de la veille. Je n’aurais pas dû abuser autant avec Riven hier soir, mais ça faisait un petit moment que nous ne nous étions pas vus et la soirée a défilée, et les verres aussi apparemment. Je regrette un peu ce matin en sachant les entraînements qui nous attendent, mais si je prends un doliprane ça devrait aller mieux, du moins je l’espère. Je sors difficilement de mon lit et remarque que ma colocataire de chambre n’est plus présente. L’appartement semble vide d’ailleurs et j’en profite pour passer à la douche afin de me réveiller un peu plus et je prends un café, en espérant qu’il fasse effet rapidement. Je m’habille avant de remarquer que je suis en retard pour rejoindre le terrain d’entraînement. Attachant rapidement mes cheveux, je me dépêche de rejoindre le lieu et me glisse derrière avec les autres étudiants, espérant ne pas m’être fait remarquer par mon retard.

L’entraînement commence et clairement, le mal de tête ne passe pas mais j’essaye de passer outre et de me concentrer sur l’exercice demandé. Alors que nous sommes en combat, j’entends une voix qui me déstabilise et mon adversaire en profite pour me mettre au sol avant de me laisser avec la personne qui vient d’arriver.

- Mais je ne savais pas que tu possédais de l’humour dis donc. Et c’est de famille oui, j’ai bu deux verres hier.

Ou plus, mais je ne les ai pas comptés. Prenant sa main pour me relever, celui-ci en profite pour me mettre une pichenette sur l’oreille et je lève les yeux avant de sourire légèrement en l’entendant m’appeler « Petite guerrière ».

- Qu’est-ce que tu fais ici ? Je ne pense pas que tu te sois déplacé pour me donner des cours.

J’imagine qu’il doit avoir une affaire à régler à l’école car ça m’étonnerait qu’il soit venu pour mes beaux yeux. Mais il fini par me provoquer en duel, et je soupire, légèrement amusée, en l’entendant me dire qu’on est plus gentil au sol. Je ne suis pas très douée au corps à corps, mais je ne compte pas me laisser faire non plus. Me positionnant, prête à attaquer, je me dirige vers lui en criant, m’apprêtant à lui donner un coup diriger vers son joli visage, qu’il arrive à éviter évidemment. C’est un très bon guerrier, aussi doué que Riven. Je sais que je vais avoir beaucoup de mal à gagner contre lui, mais je ne vais pas me laisser faire.