Le quartier Rainbow, aux couleurs vives duquel émane cette douce mélodie mêlant une multitude de notes, c’est qu’il aurait dû s’installer ici, le Troubadour, vu le temps qu’il y passe. Les couleurs, l’enthousiaste des artistes y est contagieux. Une douce irone dans le fond, quand on sait qu’il associe les Illyriens à des barbares, est-ce réellement de sa faute ? Difficile à dire, enfin, il ne le crie pas sur tous les toits non plus. Toujours est-il que la situation n’en reste pas moins ironique. L’art à ses raisons, que la raison ignore. Seul le langage artistique à une réelle importance ici, chacun s’exprime à sa façon et pourtant la langue y est universelle, compréhensible pour quiconque y tends l’oreille et ouvre son esprit. Un peu comme si chaque pavé, chaque brique racontait une histoire distincte, le tout dans une harmonie digne d’un orchestre bien ficelé.

Un air lumineux, apaisé. Chaque pas qui renforce cet apaisement, il ne saurait dire depuis combien de temps, il est là, à se balader dans les rues. À profiter de cet air léger aux abords de la Sidra où se mêlent les danseurs de rues avec les musiciens. Le voilà qui fredonne cet air mélancolique, doux, qu’il a écouté paisiblement au sommet de la colline, pendant que ses mains griffonnaient le paysage de la ville des artistes. D’une certaine manière, c’est son temple à lui. Son havre de paix, situé au milieu des terres barbaresques. Ainsi soit-il. Si au départ ça le faisait grincer des dents, aujourd’hui ça lui importe peu de savoir que ce majestueux sanctuaire réside dans ces terres. Dans le fond, ce n’est qu’une preuve que l’art atteint même le plus sauvage des Hommes. Une preuve que tout le monde apprécie et comprend ce langage parfois délicat et abstrait.

Un air musical familier, qu’il souffle de ses lèvres, Hijo de la Luna. Une mélodie apaisante à son oreille, qui le transporte dans une bulle, dans un monde presque déconnecté. L’air enjoué sur le visage, c’est comme si son corps se ressourçait sans avoir besoin de dormir. Venu à l’origine pour un stock de couleur, des feuilles de musiques, du matériel pour entretenir les instruments. Il avait fini par étendre ses besoins à chaque boutique que ses pieds ont pénétrés. C’est qu’il a décidé de laisser dans le domaine de la sculpture, bonne ou mauvaise idée ? Telle est la question. Rien ne garantit que cet achat impulsif finisse par trouver une utilité réelle, mais il aime étendre son esprit artistique, et puis ses doigts sont suffisamment habiles pour manier les outils de sculptage. Au pire, il trouvera toujours une autre utilité à ses espèces de bistouris.

Quelques heures de libre, avant que son regard ne soit captivé par une représentation théâtrale, sa main se contente de pousser la porte du bar situé non loin. Gardant cet air apaisé, solaire, fredonnant toujours ces douces notes. À la fois perdu dans son monde artistique, et connecté au reste du monde, il salue quelques visages croisés au fil de la journée, des camarades esthètes. C’est que la ville de Rainbow est devenue une sorte de refuges, parmi tant d’autres en réalité. Ce n’est que lorsque son regard réconfortant croise cette silhouette, ce visage, que son visage mue légèrement dans une indifférence glaciale. « Tss. » Souffle coupé par les dents. On ne peut pas dire que la présence de cet homme fasse partie de l’égaiement de la sienne. Non pas qu’il le déteste, quoi que le ressenti s'en rapproche en réalité, il est loin de le porter en haute estime. Histoire compliquée, bien qu’ils n’étaient pas les meilleurs amis du monde à l’origine non plus. Leurs échanges à présent se veulent bien plus concis. Finalement, les outils pour sculpter trouverait bien leur place dans la chair et les yeux de Heivoris.

Après tout, personne n’irait souffler à l’oreille de la jeune Ulstead, s’il venait déroger quelque peu à sa promesse de non-violence à l’égard de ce garçon. Son air indifférent, reprend son égaiement dès que le gérant quitte son champ de vision. Cocktail Rainbow en main, le voilà qui échange avec des connaissances, avec les employés de ce bar qu’il a l’habitude de fréquenter durant ses passages ici. Une capacité à changer d’humeur et d’expression faciale, qui frôle presque la capacité divine. « T’devrais essayer, tu n’as rien à perdre Aslan. » Lance l’une des serveuses en déposant le gâteau sur la table, pour venir appuyer les dires de quelques musiciens. Et le voilà qui soupire dans son verre, en venant boire quelques gorgées, pendant que sa main libre trifouille cette carte tendue par le musicien de rue. Rien à perdre, c’est vite dit. Second soupire face à l’enthousiasme contagieux, ses yeux glissent entre la carte et le gérant de l’Archange.