Les fleurs s’assombrissent à mesure que le soleil laisse pointer la lune dans le ciel. Ta journée est terminée depuis quelques heures mais comme à ton habitude, tu as continué à arpenter les couloirs de l’Académie recherchant le contact d’âmes à ton écoute, d’ami.es ou d’étudiant.es.
Si tu as besoin de contact humain souvent, tu aimes autant être chez toi, seule et retrouver tes vieux démons : un casque sur les oreilles, les musiques qui ruinent tes tympans tout en cuisinant.

Ta petite routine te convient la plupart du temps. Elle te permet de garder les pieds sur terre, elle t’oblige à garder un rythme qui t’empêche de penser aux horreurs du passé. La guerre a laissé des traces béantes dans ta psyché et encore aujourd’hui, tu luttes chaque jour pour ne pas sombrer à nouveau. Si tu es devenue plus forte au fils des années, tu sais que rien n’est jamais acquis et que tu peux tout prendre à tout moment.

Le téléphone sonne et brise ton petit rituel du soir. Les nouvelles hebdomadaires de ta famille arrivent et tu te languis de les entendre. Ton père n’est pas du genre à parler autant que toi mais tu sais qu’il fait des efforts, comblant ainsi le manque de sa présence auprès de toi. Il dit que tu ressembles beaucoup à ta mère et ça te rend un peu fière. Tu ne la jamais connues mais tu adores entendre parler d’elle. C’est un vide qui ne te fait plus souffrir aujourd’hui mais tu ne peux t’empêcher d’avoir un petit pincement au coeur lorsque tu entends son prénom. Ton frère aussi n’est plus à Solaria depuis quelques années, te laissant la seule membre de la famille Harvey à Alféa. Heureusement, ta cousine est toujours dans les parages, prenant une place beaucoup plus importante depuis les grands évènements. Parfois même, tu la présentes comme ta soeur.

Ça frappe à la porte. Étonnant mais pas inquiétant. Tu raccroches en même temps que tu t’approches pour découvrir le visage de cet évènement imprévu. Pour ton plus grand plaisir, un énorme sourire vient se nicher sur tes lèvres quand tu le découvres. Riven, juste devant toi, la jambe en sang et ce sourire charmeur qui ne lâche jamais ses lèvres. « T’as encore essayé de marcher et de respirer en même temps ? » Tu prononces pour l’accueillir, te balançant pour lui laisser la place pour entrer dans ta petite maison fleurie.

Tu connais Riven depuis ton entrée à Alféa. Vos débuts n’ont pas été prometteurs et n’annonçaient absolument une future amitié entre vous. Pourtant, au fils du temps, cette relation s’est installée. Vous vous rappelez surtout ce mini moment d’égarement, lorsque vos lèvres se sont retrouvées. C’était voulu mais sûrement pas une expérience à renouveler. Heureusement, vous en riez aujourd’hui. « Alors raconte, petite bataille ou entrainement qui s’est mal passé ? » Tu demandes en allant fouillé dans ton placard pour trouver tout le nécessaires pour soigner sa plaie au plus vite. « Je suis contente de te voir sinon. »

Bordel de merde ! Tu jures les dents serrées. Il t’a pas loupé ce salopard. Tu boites, mais lui, il ne marchera pas pendant quelques jours. Heureusement, en vue de l’heure, personne n’a vu ton visage. Cela aurait peut-être pu apporter des ennuis à Stella, chose que tu préfères éviter. En même temps, t’avais remonté ton sweat à capuche sur ta tête, comme bien souvent lorsque tu t’aventures dans des rues pas forcément très fréquentables. T’appuyant contre le mur d’une main, tu souffles lourdement, décalant ton poids sur ta jambe gauche. T’as déjà été blessé, tu connais donc la douleur. Mais là, c’est sûrement la fatigue qui parle, alors que tu as passé de mauvaises nuits. Passant une main sur ton visage, histoire de reprendre contenance, tu remarques que tes jointures sont bien abîmées aussi. Du sang séché y stagne, mais de déplier les doigts, cela les fait de nouveau saigner. Mais pour le coup, tu ne sens rien ! L’avantage d’avoir eu une formation dure et surtout, de t’être battu à nombreuses reprises. Tes poings sont habitués à être sollicités.

Te redressant, tu te demandes si tu ne veux pas rentrer comme ça. Mais nul doute que Stella serait furieuse de te voir rentrer dans un tel état. T’es tenté d’appeler Aslan, mais tu ne sais pas où il est ce soir. Soupirant, le visage d’une de tes amies les plus proches se dessine devant tes paupières. Qui de mieux que l’infirmière d’Alféa pour te rafistoler ? Souriant, tu décides d’y aller sans t’annoncer. De toute façon, elle vit là-bas. Et si elle est pas disponible, bah tant pis ! Tu rentreras chez toi en priant pour que la princesse de Solaria ne te fasse pas une crise.
Marchant aussi rapidement que possible dans la célèbre université, tu ne veux pas qu’on t’arrête. Surtout que tu traînes du sang derrière toi et que ton jean est imbibé. En arrivant devant sa porte, il frappe. C’est pas tendre, mais ça ne fait rien. Il peste, alors que le sang s’écoule de sa plaie. Mais quand Terra ouvre, tu ne peux t’empêcher de sourire. « Non de manger de chewing-gum cette fois, je voulais innover. » Tu entres chez. Tu connais l’endroit depuis le temps. Et tu viens à te laisser tomber comme un poids mort sur son canapé, alors que tu grimaces face à la douleur. Mais tu sais que tu seras vite remis sur pied. « Ni l’un ni l’autre. J’ai voulu jouer au chevalier blanc et paf, l’autre il m’a eu. Mais moi je l’ai dégommé, il pourra pas marcher pendant plusieurs jours. » Tu souris, fier comme un paon. En vrai, t’aurais pas eu à protéger la demoiselle, nul doute qu’il ne t’aurait pas touché. « Moi aussi. Comment tu vas ? D’ailleurs t’aurais pas un truc à bouffer, l’autre il a foutu mon sandwich dans la boue. Je te paye en bisous. » Et ton estomac crie famine. Et tu te doutes que Terra ne te laissera pas mourir de faim. Mais tu la charries, en souvenir du baiser que vous avez échangé dans votre jeunesse.

De tes années à Alféa en tant qu’étudiante, tu n’as pas gardé beaucoup d’ami.es. Des connaissances, oui, beaucoup, mais pas de réelle personne qui savent réchauffer ton cœur en débarquant en sang dans ton salon. Malgré la situation, tu ne peux pas cacher ton plaisir de le voir. Sa réponse à ta remarque te fait rire en même temps que tu te décales pour le laisser entrer chez toi. Les explications de sa situation ne t’étonnent pas et en réalité, tu n’as même pas besoin d’en demander plus pour savoir qu’il ne s’est pas battu pour rien. « Je ne doute pas que l’autre doit être dans un pire état, tu gagnes toujours. » Tu ajoutes en allant chercher le nécessaire pour lui venir en aide. « Par contre, je ne suis sûre que tu gagnes contre moi si une goutte de sang tombe sur mon canapé. » Ton regard mi-menaçant mi-joueur traduit de la plaisanterie qui sort de ta bouche bien qu’un fond de vérité traverse tes mots.

Riven continue, demandant à manger en rappelant comme à son habitude l’épisode de votre tendre et gênant baiser du passé. Tu exploses de rire en t’exclamant comme tu sais tant le faire, jouant de tes faux talents d’actrice. Tu t’agenouilles devant lui en prenant sa main. « Oh mon grand Riven, depuis le temps que j’attends ce moment ! Tes lèvres me manquent tellement ! Oh Riven, embrasse-moi ! » Les lèvres tendues, tu ne tiens pas longtemps avant d’exploser de rire devant lui. Tu te redresses en ne manquant pas de lui donner une petite tape derrière la tête. « Je vais te filer à manger après le pansement joli cœur, soupe ou sandwich ? » Tu demandes en venant t’installer correctement à côté de lui pour commencer à le soigner.

Tu commences par découvrir la plaie ensanglantée, réalisant que l’entaille est quand même bien profonde. « Je vais devoir recoudre. » Tu annonces sans lui demander son avis puisque c’est le tient qui est important dans cette situation. Tu commences d’abord par prendre quelques compresses avec du désinfectant que tu appliques délicatement le long de sa blessure. En même temps, tu réponds à sa première question. « Oui, je ne vais pas trop mal en ce moment ! J’ai pas mal de boulot en ce moment à Alféa. Une élève m’inquiète un peu. Elle est souvent malade, mais ne semble pas vouloir trouver les raisons de ses faiblesses. Je préfère qu’elle réalise seule qu’elle a besoin d’aide, mais j’ai l’impression que je vais devoir intervenir quand même. Oh et puis, je donne quelques conseils en matière de soins infirmiers pour des cours de l’école. J’adore ça, je me dis que peut-être un jour, je pourrais devenir enseignante. Mais pour l’instant, j’aime beaucoup trop ma place. On verra. J’ai encore le temps. Je suis sortie l’autre soir et j’ai croisé pas mal de nos anciens camarades, franchement, on vieillit super bien toi et moi. Sans vouloir critiquer… Et.. » Et tu parles trop, tu t’en rends compte parce que ça fait un moment que tu n'as pas entendu la voix de Riven et parce que la plaie est maintenant totalement propre.

T’as mal. Mais tu es fier car l’autre ne sera pas en état de marcher avant plusieurs jours. Tu n’y as pas été de main morte. En même temps, il t’a cherché, il t’a trouvé. Et tu as sauvé la demoiselle en détresse. Si Stella te voit dans un tel état, tu n’es pas certain qu’elle se montre sympathique. Alors quand Terra répond, tu ne peux t’empêcher de lui lancer un clin d’œil. « Je suis le meilleur que veux tu. » En réalité, tu ne gagnes pas toujours. Mais c’est bon de le faire croire. Elle va chercher ce qu’elle a besoin pour te soigner, avant de te prévenir de ne pas salir son canapé. Tu ne peux t’empêcher de rire, avant de répondre. « J’ai toujours dit que tu étais la pire de nous tous. » Tu veux parler bien évidemment de votre promotion. Même si tu n’as plus de contact avec certains. En même temps, chacun fait sa vie. Cela fait environ dix ans, et il y en a eu des choses depuis. La preuve, tu as emménagé avec Stella alors que tu ne pouvais la supporter lorsque vous étiez encore étudiants. Mais elle a bien changé, tout comme toi. Elle n’a plus les mêmes airs de princesse pimbêche et cela fait que tu l’apprécies. Maintenant, tu ne vois plus tellement ta vie sans elle, surtout que tu as sa protection entre tes mains.

Tu reprends la parole, venant à lui demander si elle peut t’offrir quelque chose à manger. Tu as vraiment faim, surtout que l’autre t’a fait tomber ton sandwich. Il avait l’air bon en plus ! Et tu ne peux t’empêcher de lui dire que tu la payeras en bisous, pour rappeler l’épisode de votre passé. Tu ris en la voyant se mettre à genou devant toi. Tu as toujours apprécié son sens de l’humour. « Sandwich ! La soupe c’est pour les petits vieux sans dents ! » En tout cas, c’est pas ce que tu préfères. Donc si elle peut te faire un sandwich, cela t’arrangerait. Tu aurais moins l’impression d’avoir faim en plus. Tu laisses Terra faire et tu grimaces en entendant qu’elle va devoir recoudre. Non pas que la douleur te fasse peur. Simplement … « Fais ça bien alors, que ça n’abîme pas ma jolie silhouette. » Tu lui lances un clin d’œil complice. Terra reprend la parole et se met à parler. Vite. Trop vite. Mais cela te fait toujours autant sourire. Car tu sais qu’elle occupe son esprit de cette manière. Alors tu ne dis rien. Tu l’écoutes simplement. Et quand elle s’interrompt, tu lui réponds enfin. « Je sais que je vieillis parfaitement, pas besoin de le rappeler. » Tu fais mine de prendre une pose, tel un mannequin, avant de continuer. « Mais si tu le souhaites, tu pourrais devenir enseignante Terra. Tu as de la pédagogie et les connaissances. Si un jour t’as envie de t’entraîner, je te promets d’être un élève exemplaire. Comme par le passé ! » Et quiconque te connaît d’avant, c’est que tu étais loin d’être exemplaire. Même si tu t’es toujours donné à fond dans tes entraînements. Puis tu regardes la plaie que tu as, avec un soupire. « Je suppose que ça va laisser une cicatrice ? »